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Journée de la femme

Journée internationale des femmes

Un rappel des inégalités

Journée des femmes en Tanzanie
Journée des femmes en Tanzanie

Journée internationale des femmes, fiche technique (France) :

 

date : 8 mars (date fixe)

 

type de fête : civile

 

fériée ? non

 

fêtée depuis : 1911 au niveau international, reconnue officiellement en France depuis 1982

 

célébrée : dans les pays membres de l'ONU


et pourquoi pas une journée de l'homme ?

C'est la question qu'on entend le plus souvent en France. La réponse peut paraître caricaturale, mais elle tient en quelques mots : depuis l'invention de la démocratie en Grèce antique, les hommes ont toujours eu des droits.

Etaient exclus de ce système démocratique : les femmes, les enfants, les esclaves (tous trois étant considérés comme des biens) et les métèques (les non-Grecs).

 

Si le combat contre l'esclavage n'est pas tout à fait achevé dans le monde, il est malgré tout en bonne voie. Pour les autres catégories, la lutte est encore très récente.

Ce qui explique l'important besoin de communiquer autour d'associations telles que S.O.S. Racisme, ou la création de journées dédiées aux droits de la femme ou de l'enfant.

 

Si l'on connaît généralement l'apparition très tardive du droit de vote pour les femmes, qui fut un enjeu emblématique, il faut rappeler que la femme a toujours été exclue – en apparence du moins – du monde des hommes et des affaires de la société.

Journée des femmes, Afghanistan
Journée des femmes, Afghanistan

La symbolique autour était forte : si une femme ne pouvait voter, c'est parce qu'elle n'était pas apte à réfléchir comme un homme, pas maître de ses mouvements, et il était évidemment impensable de la voir comme un être potentiellement indépendant, émancipé d'une tutelle paternelle ou maritale.

 

Dans de nombreux pays du monde, c'est encore le cas, aussi les enjeux sont très différents d'un pays à l'autre. Mais aucune nation n'est irréprochable en matière d'égalité.

Par conséquent, même si l'existence de cette journée titille toujours certains hommes, elle continuera d'exister aussi longtemps qu'elle aura besoin de visibilité pour faire reconnaître les droits non pas d'une minorité de la population, mais de ce qui est bel et bien (dans les chiffres) une légère majorité à l'âge adulte.

 

Et pour ceux qui ne s'en remettraient vraiment pas, sachez qu'il existe aussi une journée internationale de l'homme, depuis 1999 et célébrée le 19 novembre. Elle manque un peu de visibilité, mais elle existe !

Il faut toutefois admettre que ce jour invite plus à encourager la parole individuelle plutôt qu'à se rassembler autour d'une lutte commune. Cependant, 2 sujets récurrents reviennent dans de nombreux pays en termes d'inégalité pour les hommes : la parentalité et la santé.  


les droits de la femme

Fin XIXe, on commence à réglementer les droits du travail, pour les hommes, mais aussi et c'est une première, pour les femmes et les enfants. Je reviendrai sur ces derniers le jour voulu, concentrons-nous pour aujourd'hui sur les femmes.

 

Les droits de la femme ont été acquis progressivement, notamment grâce aux révolutions industrielles, qui ont apporté de profondes mutations dans les sociétés occidentales.

A partir de 1874, il a été interdit d'employer des femmes dans les mines ou les carrières. A partir de 1892, on ne pouvait employer une femme plus de 11h par jour.

Pour le reste, la loi ne se prononçait pas sur l'exposition d'une femme (même enceinte) à des produits nocifs, une forte charge de travail ou une quelconque égalité de salaire.

Encore au début XXe, le travail des femmes était considéré comme trop marginal pour être entendu au niveau juridique. Une sorte d'appoint aux revenus du ménage.

Dans les chiffres, nous savons qu'en France, en 1906, 1 femme sur 2 travaillait. Pas vraiment de l'ordre du marginal ou de l'exception

 

En 1884, une loi provoque un bouleversement en France : le droit au divorce pour faute.

La loi est passée, malgré une véritable levée de boucliers dans les milieux conservateurs et une vague de démissions spectaculaires chez les magistrats. Mais pour rappel, il était ordinaire à cette époque qu'un homme emmène sa maîtresse au théâtre.

Dans les environs de 1900, le mouvement suffragette porte ses fruits et le droit de vote apparaît dans les pays anglo-saxons : 1893 pour la Nouvelle-Zélande, 1901 pour l'Australie, 1918 pour le Royaume-Uni.

A noter que dans certaines régions du Canada et des Etats-Unis, les femmes qui étaient propriétaires terriennes avaient déjà le droit de vote depuis le XVIIIe siècle.

En France, il faut attendre 1944, et la preuve répétée que les femmes savent participer à l'effort de guerre, pour que la loi passe.

 

Enfin, on peut rappeler brièvement qu'avant de s'inquiéter de l'égalité salariale, une femme ne pouvait accéder à un enseignement supérieur, ni disposer librement de son salaire. Voici quelques dates qui devraient vous donner une idée de la progression en France sur la période 1860-1965 :

 

1861 : 1ère femme française à décrocher le baccalauréat

1874 : 1er syndicat féminin

1875 : Madeleine Brès est la première femme doctoresse, diplômée en médecine

1880 : la Sorbonne s'ouvre aux femmes (seule université mixte d'Europe à cette époque, ce qui a attiré quelques étrangères, comme Marie Curie)

1900 : les femmes peuvent plaider comme avocates

1903 : Marie Curie reçoit le prix Nobel de physique, 1er prix remis à une femme

1907 : la loi accorde aux femmes mariées la libre disposition de leur salaire

1910 : obligation de rémunérer les institutrices (jusque-là souvent bénévoles)

1920 : salaire égal avec les instituteurs (auparavant, rémunération allant du quart à la moitié pour le même nombre d'heures)

1920 : les femmes mariées peuvent adhérer à un syndicat sans autorisation maritale

1928 : égalité de salaires obligatoire pour tout fonctionnaire

1938 : incapacité juridique des femmes supprimée

1965 : les femmes peuvent exercer une profession et gérer leurs biens propres sans autorisation maritale

 

Enfin, si la justice réglemente et instaure de nouvelles lois en ce qui concerne le travail et la citoyenneté, la sphère privée est encore peu touchée. Les inégalités demeurent profondes aujourd'hui sur la répartition des tâches ménagères ou l'éducation des enfants (quand il ne s'agit pas de cas beaucoup plus graves, comme les violences conjugales).

 

La justice ne pouvant interférer dans la vie des couples, c'est un travail de fond sur les mentalités qui est fait. Et force est de constater que les mentalités progressent, mais encore une fois, le combat n'en est qu'à ses débuts… 

 


naissance d'une journée des femmes

1914, appel au rassemblement pour la journée des femmes en Allemagne
1914, appel au rassemblement pour la journée des femmes en Allemagne

Vous l'avez compris au vu des dates, le grand bond dans les droits des femmes s'est fait aux alentours de 1900 dans les pays industrialisés. Cette lutte pour obtenir des droits équivalents aux hommes accompagnait une véritable mutation des droits du travail en général, où les partis socialistes de différents pays encourageaient à la fois hommes et femmes à manifester, dans une lutte commune.

La première journée nationale des femmes eut lieu aux Etats-Unis, le 28 février 1909. Le National Women's Day (devenu International depuis, soit IWD) a été célébré lors du dernier dimanche de février jusqu'en 1913.

 

L'idée germe dans d'autres pays sur cette même période, notamment en Europe, où quelques féministes sont très actives dans la lutte pour le droit des ouvrières, comme Clara Zetkin, qui lança en 1889 le journal Die Gleichheit (l'Égalité), qui se voulait un outil d'éducation populaire pour les femmes ayant un travail.

Invitée à la 2e conférence des femmes socialistes à Copenhague en 1910, elle proposa la création d'une journée annuelle dédiée aux droits des femmes ; idée approuvée à l'unanimité par les femmes de 17 pays qui composaient l'assemblée.

 

La première journée internationale des femmes eut lieu l'année suivante, le 19 mars 1911. De grandes manifestations ont accompagné cette journée en Allemagne, au Danemark, en Suisse, en Autriche et aux Etats-Unis.

 

Un malheureux accident à New York, survenu une semaine plus tard, força le gouvernement américain à réfléchir aux conditions de travail des femmes, après qu'un atelier eut pris feu et tué 140 d'entre elles dans l'incendie.


Pourquoi le 8 mars ?

Si plusieurs dates existaient déjà (dont le 8 mars en Allemagne), aucune ne faisait l'unanimité.

Pourtant, on se réfère aujourd'hui à une journée qui a bouleversé le destin de tout un pays : le 8 mars 1917, parfois appelée la « grève des ouvrières de Saint Pétersbourg ».

 

Loin de concerner uniquement les ouvrières ou la ville de St Pétersbourg (alors Petrograd), le 8 mars marque bel et bien le début de la révolution russe et la chute de la monarchie. Si l'on se réfère aux propos de Trotsky :

« Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tisseries se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir… Il n’est pas venu à l’idée d’un seul travailleur que ce pourrait être le premier jour de la Révolution. »

 

Nous sommes en pleine guerre, deux millions de soldats sont déjà morts, l'hiver est terrible et la famine aussi. Les ouvrières et ménagères de la capitale défilent dans les rues de Petrograd et réclament : du pain, la paix, le retour de leurs maris partis au front et surtout, la République !

 

Elles sont rejointes par les ouvriers des usines Poutilov, les plus importantes de la ville, qui face aux difficultés d'approvisionnement, ne pouvaient garantir du travail à tous leurs employés.

Du domaine textile, la grève s'étend vite à l'ensemble du prolétariat. En quelques jours, la grève rassemble 200 000 personnes dans les rues et aux habituels cris pour « du pain » s'ajoutent des « à bas le tsar ! ». Au bout de 5 jours, les manifestations prennent une telle ampleur qu'elles aboutissent à la chute de l’empire soviétique.

 

Aussi le 8 mars 1917 (ou 23 février dans le calendrier Julien resté en vigueur jusqu'en 1918 en Russie) démarre la « Révolution de Février » et sera décrété comme journée nationale dédiée aux femmes par Lénine en 1921. Une journée devenue fériée en 1965 en Russie.

 

La date du 8 mars s'impose progressivement dans tous les pays après la Seconde Guerre mondiale et la charte des Nations Unies l'officialise en 1945 lors d'une signature à San Francisco. 


célébration de la journée des femmes

Journée des femmes, Bangladesh
Journée des femmes, Bangladesh

Selon les pays, différentes manifestations sont proposées : marches et revendications en place publique, concerts, colloques, événements sportifs ou encore expositions.

 

Chaque année, l'ONU décide d'un thème précis à aborder : l'accès à l'éducation, les violences faites aux femmes, la situation des femmes en milieu rural... Certains thèmes rappelleraient presque les sommets politiques sur l'écologie, comme en témoigne le slogan de 2016 : Planète 50-50 d'ici 2030.

 

Après une année qui a mis en avant la précarité du travail chez les femmes en situation de crise, ainsi que les charges de travail à la maison lors d'une fermeture des écoles, le thème abordé lors de ce 8 mars 2021 est : "Leadership féminin : Pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19".


anecdotes variées autour de cette journée

Pour moi, cette journée est l'occasion de faire un point sur le monde, où la situation des femmes est encore dramatique dans de nombreux pays. Afin de donner plus de visibilité à certains combats, une journée leur a d'ailleurs spécialement été dédiée à d'autres moment de l'année :

  • 6 février, journée internationale de la tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines

  • 11 octobre, journée internationale des droits des filles

  • 25 novembre, journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes

  • 6 décembre, journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes

Cependant, je pense que le quotidien apporte déjà son lot d'informations déprimantes, aussi je préfère terminer cet article par des anecdotes variées et beaucoup plus légères autour de la journée des femmes.

 

Comme nous aimons débattre en France, ceux qui ne remettent pas en question l'existence de cette journée préfèrent s'attaquer à sa dénomination. Une « Journée Internationale pour les Droits des Femmes » semblerait plus juste à leurs yeux, ce qui se défend. Mais une JIDF reste plus dure à prononcer que l'IWD en anglais. 

Clara Zetkin, créatrice du journal Die Gleichheit et grande militante du féminisme socialiste
Clara Zetkin, créatrice du journal Die Gleichheit et grande militante du féminisme socialiste

On peut aussi régulièrement lire dans la presse militante française que le 8 mars commémore une manifestation d'ouvrières américaines en 1857. Ce qui est faux sur le plan historique et aurait eu beaucoup moins d'impact sur leur employeur à l'atelier textile, puisque ce 8 mars était un dimanche.

 

Dans de nombreux pays du monde, la journée internationale des femmes est un jour chômé : en Russie, mais aussi au Viêt-Nam, à Cuba, en Angola, au Burkina Faso, en Afghanistan et dans une vingtaine d'autres pays.

 

La Chine, le Népal, Madagascar et la Macédoine ont quant à eux décidé que cette journée fériée ne devait être accordée qu'aux femmes !

 

Une méthode qui peut porter ses fruits quand on regarde l'exemple de la « journée sans femmes » en Islande.

En 1975, les femmes islandaises étaient payées environ 60% de moins que les hommes. Une grande manifestation eut lieu le 24 octobre de cette année, pour appeler les femmes à « prendre un jour de congé » (afin d'éviter le licenciement pour grève), qu'elles soient travailleuses ou femmes au foyer.

 

90% des Islandaises y participèrent et plus de 10% se rassemblèrent dans le centre de Reykjavik.

Les hommes furent obligés d'emmener leurs enfants au travail et de les nourrir. En effet, la majorité des enseignants étant des femmes, les écoles étaient soit fermées, soit ouvertes en capacité limitée. Les commerces furent en grande partie fermés, les garderies aussi, les vols aériens annulés par manque de personnel parmi les hôtesses de l'air, les services téléphoniques suspendus et les journaux ne parurent pas, à défaut d'avoir des typographes sous la main.

 

Beaucoup d'hommes ont appelé cette journée « le long vendredi ». Elle leur a également permis d'ouvrir les yeux sur l'impossibilité de faire tourner la vie économique sans les femmes, même celles au foyer. Si le gouvernement islandais se dota dès lors d'une loi garantissant l'égalité des droits pour les hommes et les femmes, les inégalités salariales demeurent.

Qu'à cela ne tienne, les Islandaises ont continué la lutte après un calcul rapide : si leur salaire est moins important que leurs homologues masculins, alors tout travail effectué passé 15h30 (par exemple) est bénévole. Comme la loi interdit le bénévolat déguisé, elles quittent leur travail une fois par an à 15h30, faute de rémunération.

Aussi, l'écart des salaires se réduit un peu plus avec le temps. Une méthode très inspirante… 

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